
Catherine Larochelle
Catherine Larochelle est professeure au Département d’histoire de l’Université de Montréal, membre du comité de rédaction de la revue HistoireEngagée.ca et directrice de la revue Études d’histoire religieuse. Dans ses recherches, elle explore les discours et les idéologies impérialistes, racistes, orientalistes et genrées produits et diffusés au Québec aux XIXe et XXe siècles. Ses intérêts de recherche croisent l’histoire de l’enfance et de la jeunesse, l’histoire de l’imaginaire impérial du Québec/Canada, les représentations des peuples autochtones et l’histoire du missionnariat canadien-français. Elle est membre du Centre d’histoire des régulations sociales.
Communication : « Polyphonie féminine sur partition héroïque : les biographes et publicitaires d’Albert Lacombe ». Voir la pragrammation
Résumé : Les historiens qui ont composé l’histoire de la colonisation catholique du « Nord-Ouest » canadien au 19e siècle se fondent principalement sur les écrits des Oblats de Marie-Immaculée, écrits qui mettent de l’avant leurs actions et dégagent parmi eux des figures héroïques, toutes masculines par conséquent (Choquette 1995, Huel 1996, Foran 2017). Ce sont les mêmes personnages que les synthèses historiques en histoire religieuse présentent lorsqu’elles survolent l’activité missionnaire dans cette région (Sylvain et Voisine 1991, Fay 2002). L’examen approfondi de la construction des savoirs et récits historiques révèle pourtant l’existence de plusieurs autrices importantes : les sœurs missionnaires. Je montrerai que, par leurs récits de fondation et leurs correspondances détaillées, tous deux publiés dans des périodiques généralistes et spécialisés dès le milieu du 19e siècle, les sœurs missionnaires ont activement contribué à bâtir l’histoire de la colonisation du Nord-Ouest canadien.
La proposition s’intéressera aux différentes étapes de cette participation de femmes à l’écriture de l’histoire du Nord-Ouest par l’étude d’un cas précis : l’héroïsation du Père Albert Lacombe entre 1866 et 1973. Annalistes (Sœur Allard) et biographes (Sœur Marie Olive, Katherine Hugues) puis romancières ou vulgarisatrices (Josephine Phelan, Gisèle Laliberté Bezenar), plusieurs femmes furent des actrices indispensables, mais invibilisées de la construction du personnage historique qu’est devenu Albert Lacombe. L’examen de cette histoire précise permettra d’aborder différents enjeux proposés par la journée d’étude :
- Participation et mobilisation des femmes pour la construction des héros historiques masculins
- Effacement auctorial au profit d’une forme collective de mise en récit
- Occultation historiographique de leur rôle central dans la colonisation et sa mise en récit
Ces réflexions permettront de réévaluer le rôle des femmes dans l’écriture de l’histoire coloniale et d’interroger les processus historiographiques et disciplinaires ayant mené à leur mise à l’écart.