
Carolyne Ménard
Titulaire d’une maîtrise en sciences de l’information de l’Université McGill et d’une maîtrise en histoire de l’UQAM, Carolyne Ménard travaille depuis 2014 à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale du Québec comme bibliothécaire de référence. Dans sa vie professionnelle et personnelle, elle s’intéresse notamment à l’histoire des femmes au Québec et aux théories féministes.
Communication : « Laure Conan et les historiens : livres et réseaux de sociabilités dans la province de Québec à la fin du XIXe siècle». Voir la pragrammation
Résumé : « Dans ce siècle d’abaissement, Garneau avait la grandeur antique. […] j’ai beaucoup pensé à lui, à ses difficultés si grandes, à son éducation solitaire et avec quel respect je verrais cette mansarde où, sans maîtres et presque sans livres, notre historien travaillait à se former. […] Mais il a fini sa tâche laborieuse. Maintenant longue est sa nuit. J’ai visité sa tombe au cimetière Belmont. […] devant le monument de notre historien, le généreux sang de mes ancêtres coula plus chaud dans mes veines. »
Tels sont les mots que Laure Conan prête à son personnage dans son roman Angéline de Montbrun (1882). Dans un XIXe siècle où la littérature et l’histoire sont étroitement liées, il n’est pas étonnant de voir convoquer l’historien par excellence, François-Xavier Garneau, dans un roman.
Cette proximité des historiens est très présente dans la vie et l’œuvre de Conan. Tout au long de sa carrière, elle fait appel à Henri-Raymond Casgrain, Hospice-Anthelme-Jean-Baptiste Verreau, Alfred Duclos De Celles, et Lionel Groulx. De plus, Thomas Chapais publie son roman post mortem, La Sève immortelle (1925).
Elle côtoie aussi plusieurs hommes politiques notables de l’époque. Par exemple, lorsqu’elle convoite un poste de bibliothécaire aux archives à Ottawa, Henri-Raymond Casgrain fait pression auprès de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau et d’Hector-Louis Langevin, en vain. Bien consciente des limites et contraintes imposées par son genre, elle écrira même à Wilfrid Laurier en 1904, plaidant que « si [elle] était homme, on [la] traiterait bien autrement ».
Si l’œuvre de Conan a surtout été étudiée par les littéraires, peu se sont intéressés à cet impressionnant réseau d’historiens et d’hommes politiques qu’elle côtoya au fil de sa vie.
Cette proposition de communication souhaite repenser le rôle que Laure Conan a joué dans la diffusion des savoirs historiques produits par les hommes de son époque, et l’impact que l’œuvre et la présence de cette femme a pu avoir sur cet important réseau masculin. Nous souhaitons du même coup analyser l’apport d’une romancière dans la diffusion de l’histoire québécoise, et ainsi engendrer une réflexion plus large sur les manières dont les disciplines littéraires et historiques s’entrecroisent et se complémentent.